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Modes de vie

Le bio est-il forcément meilleur que le conventionnel ?

Dans le domaine de l’alimentation, la tendance est à la confrontation. On appartient à un clan, les végans contre les fléxitariens, les pourfendeurs du « bio avant tout » contre « le local avant tout » (les deux n’étant pas incompatibles bien entendu). Saupoudrez de quelques articles engagés et d’avis postés sur les réseaux sociaux pour que chacun défende vigoureusement, voire rageusement, sa façon de consommer, la sienne étant la meilleure évidemment !

Alors revenons sur le bio, est-il meilleur que le non-bio ?

D’abord « bio », en soi ne veut rien dire. C’est le raccourci utilisé pour -Agriculture Biologique- qui fait référence à UN label et donc à UN cahier des charges. Les produits respectant le cahier des charges de l’Agriculture Biologique portent le logo :

Le label AB a sa version européenne :

Hormis ces deux labels, les plus connus, il existe plusieurs « bioS », car il existe plusieurs référentiels, ce qui implique différents cahiers des charges et tous n’ont pas les mêmes exigences.

Le bio est-il meilleur que le non-bio ? À court terme, pour le consommateur globalement : oui.

Mais attention « bio » ne signifie pas « zéro phytosanitaire », ni au cours de la production ni dans le fruit ou le légume final.

Un phytosanitaire ou pesticide est une substance active (micro-organismes inclus) ou un produit (mélange de substances actives) qui a pour objectif de :

  •  protéger les végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir leurs actions ;
  •  exercer une action sur les processus vitaux des végétaux ;
  •  assurer la conservation des produits végétaux ;
  •  détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables ;
  •  freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux.

(source : agriculture.gouv.fr)

Ainsi dans les produits issus de l’agriculture biologique, il est possible de retrouver des résidus de pesticides comme pour les produits issus de l’agriculture conventionnelle. D’ailleurs la législation ne fait pas de différence concernant les limites maximales de résidus (LMR). Ce sont les mêmes valeurs.

Néanmoins, deux différences notables rendent les produits issus de l’agriculture biologique plus favorables à la santé des consommateurs.

1. Les pesticides ou phytosanitaires utilisés en agriculture biologique ne sont pas les mêmes que pour l’agriculture conventionnelle. Il s’agit davantage d’utiliser des micro-organismes comme des bactéries (Bacillus thuringiensis, Pseudomonas chlororaphis souche MA 342) ou virus (virus ZYMV-WK, virus de la granulose…) ou des éléments chimiques métalliques (cuivre, silicate d’aluminium…).

La liste des phytosanitaires autorisés en agriculture biologique est disponible via ce lien.

2. Les résidus de pesticides détectables sont 3 fois moins nombreux en agriculture biologique qu’en conventionnelle.

Selon le dernier rapport de l’European Food Safety Authority (EFSA) sur les résidus de pesticides dans les aliments (données 2017, validé en 2019) où 11 158 échantillons ont été analysés :

  • 12,2% des quelques 5 010 aliments bio analysés contenaient des résidus détectables de pesticides (15% en 2013, rapport validé en 2015),
  • contre 33,5% des produits issus de l’agriculture conventionnelle (45,4% en 2013, rapport validé en 2015).

Autrement dit, en agriculture biologique 86,3% des produits sont exempts de trace de pesticide contre 64,9% des produits pour l’agriculture conventionnelle.

Concernant les limites maximales de résidus (LMR), 1,5% des produits issus de l’agriculture biologique et 1,6% des produits issus de l’agriculture conventionnelle les dépassent. Les produits dépassant les LMR constituent un sur-risque pour la santé des consommateurs. Ils sont alors interdits de commercialisation (s’ils sont repérés).

Graph 1 : Résidus de pesticides détectés dans les échantillons analysés en agriculture bio (orange) et conventionnelle (bleu).

À long terme pour le consommateur et l’environnement pas forcément, pour 7 raisons principales :

1/ Tout système est faillible

Malgré les contrôles (1 par an obligatoire), régulièrement des scandales éclates :

De plus lorsqu’on s’intéresse aux taux d’anomalies se rapportant au non-respect général de la réglementation relative à l’agriculture biologique (défaut d’adhésion au système de contrôle, absence des mentions obligatoires, usage non conforme du logo AB et/ou du logo communautaire, utilisation de pesticides interdits, etc.), ce taux s’élève à 14,2 % (14,3% en 2014, 12,4% en 2013).

2/ Une obligation de moyens mais pas de résultat

De plus le cahier des charges de l’agriculture biologique impose une obligation de moyens mais pas de résultat, ainsi si l’agriculteur respecte le cahier des charges, il obtiendra le label agriculture biologique pour ses produits, peu importe si in fine ses produits recèlent des traces de résidus de pesticides.

3/ Du conventionnel équivalent au bio

Tous les fruits et légumes ne sont pas concernés de la même façon par les résidus de pesticides. Certains fruits et légumes conventionnels peuvent valoir ceux de l’agriculture biologique, car souvenez-vous, d’après le dernier rapport de l’EFSA (données 2017, validé en 2019), 64,9% des produits issus de l’agriculture conventionnelle sont exempts de trace de pesticides.

L’association Générations Futures a publié en février 2018, un rapport sur les fruits et légumes les plus et les moins contaminés (référence en bas de l’article).

Enfin, si vous ne consommez pas des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, gardez en tête qu’éplucher un fruit ou un légume est la meilleure façon d’éliminer les pesticides de surface.

4/ Des phytosanitaires Bio néfastes pour l’environnement

Comme mentionné plus haut, “bio” ne veut pas dire “zéro pesticide”. Or certains pesticides autorisés dans l’agriculture biologique sont décriés pour la pérennité de l’environnement. C’est le cas par exemple du cuivre, non biodégradable et très toxique pour l’environnement.

L’usage des pesticides chimiques n’est pas interdit, seuls les pesticides chimiques de synthèse le sont, ainsi le sulfate d’aluminium, le bicarbonate de potassium et les huiles minérales sont, par exemple, autorisés en agriculture biologique.

Enfin l’usage de pesticides chimiques, de bactéries et virus, génèrent également l’apparition de résistances chez les nuisibles, comme pour les phytosanitaires issus de la chimie de synthèse.

5/ Le bio en monoculture

De plus, afin de proposer du « bio » accessible à toutes les bourses (qui est tout à fait légitime, toute personne devrait avoir le droit de s’alimenter sans s’intoxiquer), sont apparues des gigantesques monocultures. De préférence dans les pays de l’Est de l’Union Européenne ou des pays en voie de développement afin d’avoir une main d’œuvre peu chère, qui ne se répercute pas sur le prix final. Or toute monoculture aboutit à une perte de biodiversité et nécessite en complément un usage intensif de pesticides, car la biodiversité permet de lutter contre les ravageurs. Enfin la philosophie du “bio” était de consommer un produit local à un prix raisonnable afin de préserver l’emploi et la qualité de vie de nos agriculteurs. C’est pourquoi aujourd’hui on tend à différencier « LE bio », le marketing, de « LA bio » la philosophie.

6/ Local versus Bio

Si le bio n’est pas produit localement, cela implique une pollution maritime, aérienne, ferroviaire ou routière. Or l’environnement est un tout. Si on souhaite éviter les polluants dans son assiette, il faut agir à la source et éviter d’en émettre. Cette vision est ultra simpliste, néanmoins elle reflète une réalité, celle du transport des polluants par les vents et leurs dépôts par les pluies, contaminant les eaux et les sols. Pour plus d’information (re)lire l’article : “Des pesticides dans les graisses des ours polaires: le cas du DDT

Parallèlement, en dehors de l’Union Européenne, le cahier des charges change. Pour des pays développés, tels que l’Argentine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, l’Inde, l’Israël et le Costa-Rica ; les réglementations bio de ces pays sont jugées au moins équivalentes à celle de l’UE, avec en particulier, des organismes certificateurs nationaux agréés et supervisés par les Etats. Mais “équivalent” ne signifie pas “identique”.

Pour les pays en voie de développement, c’est différent. Etant donné que leur système d’agriculture biologique n’est pas reconnu, ils choisissent pour la plupart de se conformer au cahier des charges de l’agriculture biologique de l’Union Européenne, afin d’accéder au marché avec le label AB. En termes de contrôles sur place et le rapatriement des produits, un certain flou demeure. Surtout que les contrôles aux douanes sont aléatoires et trop peu nombreux en vue de la quantité de marchandises en transit.

7/ Exploitation des sols

Un autre problème soulevé par l’agriculture biologique comme pour l’agriculture conventionnelle est l’exploitation des sols. En effet une terre labourée trop profondément et trop fréquemment aboutit à l’appauvrissement de son sol, nécessitant une compensation anthropique par la suite (engrais, pesticides…). Ainsi de nouveaux labels ont vu le jour, ils partent du cahier des charges de l’agriculture biologique pour aller plus loin dans la gestion de l’environnement. C’est le cas par exemple des labels :

« Issus d’une exploitation de Haute Valeur Environnementale »

Pratiques agricoles limitant les impacts environnementaux sur la faune, la flore et le milieu naturel, conservation de la biodiversité, limitation des pesticides, gestion des engrais et de l’irrigation, 95% au moins des ingrédients issus d’exploitations de Haute Valeur Environnementale pour les produits transformés…

Nature et Progrès

Critères du logo «Agriculture Biologique», avec en plus: aménagements de l’exploitation agricole pour limiter la pollution de l’environnement proche (nappes phréatiques, rivières, champs…), distance minimale entre l’exploitation agricole et des infrastructures polluantes (route, usine…), 50% au moins des fertilisants composés d’amendements à base de végétaux…

Demeter, l’agriculture biodynamique

Critères du logo «Agriculture Biologique», avec en plus: utilisation recommandée de préparations naturelles produites par les agriculteurs eux-mêmes (engrais naturels, compost, alimentation pour bétail…), autosuffisance à atteindre pour l’alimentation des animaux…

Ecocert ESR

Critères du logo «Agriculture Biologique», avec en plus : commerce équitable (échanges Nord-Sud, voir encadré), cultures sous serres chauffées interdites (sauf par énergies renouvelables), biodiversité conservée au maximum (pas de défrichage par brûlis…), pratiques agricoles limitant les impacts environnementaux sur la faune, la flore et le milieu naturel…

Bio Cohérence

Critères du logo «Agriculture Biologique», avec en plus: limitation de l’utilisation de ressources (énergie, eau), gestion des déchets optimisée…, productions (végétales et animales) issues à 100% de l’agriculture biologique (fermes 100% Bio)…

Pour aller plus loin :

60 Millions de consommateurs, Le bio pas toujours propre, n°536, avril 2018

Agence Bio, Du Contrôle à la Certification, la bio : des garanties à tous les stades des filières

DGCCRF, Obligations des opérateurs bio

DGCCRF, Présentation générale des contrôles à l’importation des denrées alimentaires d’origine non animale

Générations Futures, Etat des lieux des résidus de pesticides dans les fruits et les légumes en France, février 2018