“Le Bisphénol A (BPA) est une substance d’origine exclusivement anthropique, c’est principalement un monomère (utilisé dans la synthèse des polymères), un additif destiné à rendre les corps plus durs et transparents, ainsi qu’un révélateur utilisé dans les papiers thermiques. Des produits dérivés du BPA possèdent également des propriétés ignifugeantes intéressantes. Le BPA est issu de la réaction entre le phénol et l’acétone” [5].
Depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A (BPA) a été interdit dans tous les contenants alimentaires (après une première interdiction dans les biberons en 2010 et approuvée au sein de l’UE). Cette interdiction prévaut uniquement pour la France, d’après les recommandations de l’Agence sanitaire française (Anses), alors que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) n’estimait pas nécessaire de l’interdire. Explications.
Où trouve-t-on le BPA?
98% du bisphénol A est utilisé dans la fabrication de polycarbonate (plastique n°7 ) [5]. La plupart des biberons étaient en polycarbonate, avant son interdiction en 2010. Les bonbonnes des fontaines à eau étaient également en polycarbonate. A contrario les bouteilles d’eau d’1,5L, 0,75L ou de 0,5L, ne sont pas produites à partir du polycarbonate, mais d’un autre plastique, le PET (polyéthylène téréphtalate, n°1). Tout autre ustensile en plastique possédant le numéro 7 est en polycarbonate.
NB: le marquage des plastiques alimentaires par leur numéro (de 1 à 7) n’est pas obligatoire, même s’il est couramment pratiqué [1]
Le deuxième usage du BPA réside dans la fabrication des résines époxydes. Elles tapissent l’intérieur des boites de conserve, jouant le rôle de couche protectrice, afin d’empêcher l’acidité des aliments d’attaquer le métal. Les canettes de soda, composées de 2 pièces et obtenues à partir d’une feuille métallique sont “à priori” sans BPA [1].
Enfin le BPA peut également être utilisé comme additif dans les tickets de caisse (papier thermique).
Effets sanitaires et interdiction
Le BPA est jugé “préoccupant” par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), car il est suspecté d’être un perturbateur endocrinien pour l’homme.
« En 2011, sur la base d’un rapport relatif aux effets sanitaires du bisphénol A, l’Anses a conclu à l’existence d’effets avérés chez l’animal (effets sur la reproduction, sur la glande mammaire, sur le métabolisme, le cerveau et le comportement) et d’effets suspectés chez l’Homme (effets sur la reproduction, sur le métabolisme et pathologies cardiovasculaires). » [1]
La population la plus vulnérable, d’après l’Anses, est le fœtus:
“Les effets identifiés portent sur une modification de la structure de la glande mammaire chez l’enfant à naître qui pourrait favoriser un développement tumoral ultérieur. La mise en évidence de ces risques potentiels est néanmoins associée à un niveau de confiance qualifié de « modéré » par les experts au regard de l’état actuel des connaissances et des incertitudes.”
Mais le bisphénol A n’est pas reconnu unanimement comme perturbateur endocrinien, ni par l’Union Européenne, ni au Canada ou aux USA par exemple.
Suite à l’interdiction du BPA dans l’hexagone, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a annoncé qu’il n’y avait pas lieu d’interdire le BPA. Toutefois par principe de précaution la dose journalière tolérable (DJT) a été abaissée:
En janvier 2015, l’EFSA a publié sa réévaluation complète de l’exposition au BPA et de sa toxicité. Les experts de l’EFSA ont conclu que le BPA ne posait pas de risque pour la santé des consommateurs de tous les groupes d’âge (y compris les enfants à naître, les nourrissons et les adolescents) aux niveaux actuels d’exposition. Bien que la disponibilité de nouvelles données et de méthodologies affinées aient conduit les experts de l’EFSA à réduire considérablement le niveau sans danger du BPA – de 50 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour (µg/kg de pc/jour) à 4 µg/kg de pc/jour – les estimations les plus élevées de l’exposition alimentaire ou de l’exposition provenant d’une combinaison de sources diverses (alimentation, poussière, cosmétiques et papier thermique) sont malgré tout de trois à cinq fois inférieures à cette nouvelle DJT.
Les incertitudes entourant les effets sanitaires potentiels du BPA sur la glande mammaire ainsi que sur les systèmes reproductif, métabolique, neurocomportemental et immunitaire ont été quantifiées et prises en compte dans le calcul de la DJT. Cette DJT a par ailleurs été fixée de manière provisoire dans l’attente des résultats d’une étude à long terme chez le rat, qui contribuera à réduire ces incertitudes.
La Société Canadienne du Cancer reste très pragmatique [7]:
“Nous ne savons donc pas si l’exposition au bisphénol A accroît votre risque personnel de cancer ou s’il peut avoir d’autres effets sur votre santé.”
L’Autorité américaine régulant les produits alimentaires et les médicaments (FDA), a conclu que le bisphénol A, contenu dans les matériaux en contact avec l’alimentation, ne posait pas de risque. Le BPA a été ré-évalué en 2014, avec la même conclusion [4].
“In August 2008, FDA released a draft report finding that BPA remains safe in food contact materials.”
Ainsi l’interdiction française fait figure d’exception. Pourtant dès juillet 2010, la France avait suspendu toute commercialisation des biberons en polycarbonate (BPA) et cette mesure avait été approuvée par l’UE et appliquée en janvier 2011 à l’ensemble des pays membres.
La loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012, a élargi l’interdiction d’utiliser du BPA dans tous les contenants en contact avec des aliments (ceux mis sur le marché avant le 1er janvier 2015 pourront être écoulés jusqu’à l’épuisement des stocks.)
Bisphénol A (BPA), n’a-t-on pas fait une erreur de l’interdire?
Outre les sanctions possibles de l’UE pour non respect de la libre circulation des marchandises, le doute provient surtout des composés chimiques utilisés en substitut du bisphénol A.
Pour la plupart des matériaux plastiques: biberons, gourdes, assiettes et couverts… le polycarbonate a été délaissé au profit du polypropylène (PP n°5), déjà utilisé dans de nombreuses “boîtes en plastique” pouvant être chauffées. Ce dernier montre une très bonne stabilité et l’absence de migration de composés chimiques lorsqu’il est chauffé, en l’état actuel des connaissances.
Par contre pour les résines époxydes et les papiers thermiques, le bisphénol A (BPA) est principalement remplacé par le bisphénol S (BPS) et le bisphénol F (BPF). Or ces composés de même famille, tendent à montrer les mêmes effets délétères sur le développement du système reproducteur… [3; 6].
Ainsi n’a-t-on pas fait une erreur d’interdire le bisphénol A, au profit de nouvelles molécules, dont on ignore tout pour le moment. On repart de zéro et au final les substituts pourraient être similaires, voire pires que le BPA (c’est ce que laisse sous-entendre les premières substitutions avec le BPS et BPF). Alors qu’en maintenant l’usage du bisphénol A, les études pour évaluer sa toxicité et ses capacités de migration se seraient multipliées, permettant peut-être de mieux anticiper les risques…
C’est toute l’ambiguïté de la santé environnementale, pris entre le devoir de bien faire (au risque de faire pire) et de rien faire (au risque de faire pire aussi). Il n’y a pas de bons ou de mauvais choix, tout est une question de balance.
Bibliographie:
[1] Anses, Contenants alimentaires et bisphénol A : conseils pratiques, 23/10/2013
[2] EFSA, L’exposition au bisphénol A ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs, communiqué de presse du 21 janvier 2015
[3] Environnement Magazine, L’industrie abandonne le bisphénol A, n°8, 2 mars 2015, p.9
[4] Food and Drug Administration, Bisphenol A
[5] INERIS, Service National d’assistance – substitution du bisphénol A
[6] Inserm, Les perturbateurs endocriniens
[7] Société Canadienne du Cancer, Bisphénol (BPA)
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