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” Plantes d’intérieur dépolluantes qui purifie l’air” : Non, elles ne dépolluent pas !

En conditions réelles, c’est-à-dire dans le logement, les plantes vertes ne dépolluent pas l’air intérieur. Le programme de recherche PHYTAIR, mené de 2004 à 2011 a clairement mis en évidence que les plantes vertes, quelles qu’elles soient, ne permettent pas d’assainir l’air du logement. Et pourtant depuis 2012, date de consolidation des résultats et de leurs publications, il n’est pas rare de croiser sur des sites internet ou dans des journaux, des listes de plantes dépolluantes.

D’où vient alors cette idée que les plantes dépolluent l’air intérieur ?

A l’origine de cet engouement, on retrouve les travaux du Pr Wolverton réalisés pour la NASA (années 80), car bien entendu dans les stations en orbite, le renouvellement et l’épuration de l’air sont des enjeux primordiaux. Les résultats de ces études montrent qu’effectivement les plantes ont des capacités épuratrices de l’air. Ces résultats ont été confirmés par le programme PHYTAIR. En conditions de laboratoire les plantes peuvent effectivement assainir l’air, mais uniquement en conditions de laboratoire car plusieurs paramètres entrent en jeu.

Le premier est la maîtrise des flux d’air. En effet que ce soit dans le programme de recherche PHYTAIR ou les travaux du Pr Wolverton, l’air est insufflé au niveau du système racinaire, car ce sont les micro-organismes qui vivent en symbiose avec la plante et qui gravitent autour de son système racinaire, qui éliminent, dégradent partiellement certains polluants. Or chez soi, aucun système ne permet de forcer l’air à se diffuser dans les pots de fleur, directement au niveau des racines des plantes.

De plus le procédé d’épuration a été amélioré par le Pr Wolverton via l’apport de charbon actif mélangé à la terre. Le charbon actif permet d’adsorber de nombreux composés chimiques, c’est-à-dire, les molécules chimiques vont se fixer sur le charbon actif et ainsi, amplifier le phénomène d’épuration commencé par les micro-organismes.

Enfin la dernière phase menée dans la maison témoin (conditions réelles), a montré que l’impact de 4 jardinières sur la qualité de l’air n’était pas significatif. Autrement dit, avec ou sans plante la qualité de l’air est la même.

Pourtant les plantes sont utilisées dans les procédés de bio-filtration ?

Effectivement le lagunage et les autres procédés de phytoremédiation, où les plantes sont utilisées pour le traitement des eaux et des sols, fonctionnent aussi bien en conditions de laboratoire qu’en conditions réelles. Mais là encore, c’est en grande partie grâce à leur système racinaire en association avec la microflore et microfaune, que les composés chimiques vont être absorbés, métabolisés ou séquestrés dans la plante.

Les plantes capturent le CO2, n’est-ce pas la preuve qu’elles sont dépolluantes ?

Le CO2 (dioxyde de carbone) n’est pas reconnu comme un polluant à proprement parlé.

Dès lors qu’on parle de « pollution atmosphérique » le CO2 est mentionné comme étant un gaz à effet de serre. Il participe au réchauffement climatique.

Quand on parle de qualité de l’air intérieur, le CO2 constitue l’indice de confinement. En effet si les concentrations en CO2 sont élevées dans une pièce (supérieures à 1 000-1 300ppm), c’est un signe de confinement, l’air y est insuffisamment renouvelé. Cela sous-entend que d’autres polluants peuvent être présents en concentrations élevées (ils ne sont pas évacués et donc stagnent dans la pièce). Surtout une pièce confinée, avec une concentration élevée en CO2, est source d’inconfort (baisse de l’attention, fatigue…). Une étude européenne portant sur 800 enfants dans huit écoles, a montré que les scores des élèves aux tests de concentration diminuaient lorsque les niveaux de CO2 augmentaient (Myhrvold et al. 1996). Une autre étude, cette fois danoise, a montré qu’un doublement de la ventilation dans les salles de classe augmentait les performances des enfants de 15%, soit l’équivalent d’une année entière d’enseignement (Wargocki et Wyon 2007)

Retour sur la respiration et la photosynthèse de la plante.

En journée, la plante réalise la photosynthèse. Elle capte le dioxyde de carbone (CO2) et produit de l’oxygène (O2). La nuit c’est le phénomène inverse, la respiration. Elle absorbe l’O2 et rejette du CO2, d’où le fameux adage “il ne faut pas dormir avec des plantes vertes dans sa chambre”. Dans les faits, ce n’est pas une plante ou deux qui vont perturber votre sommeil.

Les cactus, peuvent-ils neutraliser les ondes électromagnétiques ?

Non.

Cette idée reçue n’est, ni plus ni moins, que le résultat d’un raccourci. Dans l’art du Feng Shui, qui consiste à favoriser la circulation d’énergie (sous-entendu vitale), en optimisant l’aménagement d’un lieu, d’un espace, les cactus auraient la capacité de bloquer ces flux d’énergie, autrement dit, de bloquer les ondes énergétiques. Un amalgame qui s’est traduit par “les cactus peuvent neutraliser les ondes électromagnétiques”.

Démêlons le vrai du faux

Pour se dédouaner, certaines sources précisent, que ce n’est prouvé qu’en « conditions de laboratoire », avec un petit*, encore faut-il le voir (figure 1).

Fig. 1
Fig. 1

Sur un autre site, le conditionnel est utilisé (figure 2) mais il propose quand même sa liste de plantes dépolluantes.

Fig. 2
Fig. 2

On trouve également des formulations qui n’ont aucun sens « La plante émet ensuite du CO2 nettement plus sain que ce qu’elle a absorbé auparavant ». Est-ce qu’on parle du phénomène de respiration ou de photosynthèse ? en tout cas le CO2 est du CO2, il ne peut pas être plus sain ou moins sain (figure 3).

Fig. 3
Fig. 3

Parfois les annotations sont plus tendancieuses, comme ce titre dans Direct Matin n°1707, du jeudi 11 juin 2015 (p.30)

« Agrémenter son intérieur avec des plantes, à chaque pièce sa végétation » plus loin dans l’article il est écrit « les plantes d’intérieur nous font du bien (…) et leur action sur l’air intérieur est bénéfique »

Cela laisse penser qu’effectivement les plantes ont un impact positif sur la qualité de l’air intérieur. Il n’en est rien. Au mieux leur impact sur l’air intérieur est neutre, au pis elles sont sources d’allergènes (pollens), d’humidité…

L’humidité serait d’ailleurs une preuve que les plantes assainissent le logement. L’article intitulé « Plantes dépolluantes : infos ou intox ?» publié sur le site Le Parisien, le 3 mai 2015 et mis à jour le 05 mai 2015, fait état

« Plus il y a de plantes dans la maison, plus l’air est sain, et plus l’humidité qu’elles dégagent est bonne pour la santé. CQFD. »

Encore une fois l’humidité n’est ni bonne ni mauvaise, il faut un juste milieu (40 à 60% d’humidité relative dans son logement). Un air trop sec est désagréable (irritation des muqueuses, sensation de soif…) et si l’humidité est trop importante, elle sera accompagnée d’un développement de moisissures. Or les moisissures peuvent être sources d’allergies, d’infections des voies respiratoires ou irritantes. Le meilleur dans cet article est que les plantes auraient EN PLUS la merveilleuse faculté de réduire les ondes électromagnétiques ….

“Vrai : les plantes dépolluantes réduisent les ondes électromagnétiques. On a du mal à le croire, mais certaines plantes dépolluantes réduisent les ondes électromagnétiques de nos appareils quotidiens (téléphone portable, ordinateur, électroménager, télévision). Dans cette optique, le cactus et les plantes grasses sont les plus adaptés, à placer par exemple dans votre cuisine ou dans votre bureau. Ils sont très décoratifs, et demandent peu d’entretien.”

L’Association Santé Environnement France, mélange les capacités des plantes a arrêté dans une certaine mesure les particules grossières (effet écran), des capacités à absorber et éliminer certains polluants chimiques. Pour cette deuxième propriété, ils font référence à la publication de Claudio L (2011), qui elle même fait référence aux travaux du Pr Wolverton…. (figure 4)

Fig. 4
Fig. 4

Même l’association Plant’airpur qui a participé au programme PHYTAIR, laisse planer le doute en ne mettant pas à jour ses informations… « PHYTAIR III ® ;  Tout d’abord la publication n’est pas terminée car elle est encore en correction par le conseil scientifique » (figure 5)

plantairpur
Fig. 5

Source :

Programme PHYTAIR, à l’initiative de l’ADEME, en partenariat avec la Faculté de pharmacie de Lille, l’association Plant’Airpur et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment)

Claudio L, Planting healthier indoor air, Environmental Health Perspectives, 2011, 119 : a426-a427)

Myhrvold, A.N, Olsen, E. and Lauridsen, O. (1996). Indoor Environment in Schools – pupils’health and performance in regard to CO2 concentrations. In indoor Air, 4:369-371

Wargocki and Wyon (2007). The effects of moderately raised classroom temperatures and classroom ventilation rate on performance of schoolwork by children. HVAC&Research, 13:193-220