Depuis 2019-2020, le discours sur l’huile de palme tend à changer. D’un point de vue environnemental, la production d’huile de palme est un moindre mal. Pourquoi ? Car elle offre un très bon rendement en comparaison des autres huiles végétales.
Par ailleurs, la dernière publicité audiovisuelle du groupe Ferrero pour leur Nutella a piqué ma curiosité. En effet, la publicité indique que l’huile de palme utilisée dans leur célèbre pâte à tartiner est durable, d’après les critères du WWF. Alors je suis allée vérifier, sur le site du WWF, la véracité des arguments avancés.
Pour rappel, le WWF (World Wide Fund for Nature) est une ONG de protection de l’environnement et de la biodiversité. Les actions du WWF s’inscrivent dans la même démarche que Green Peace.
Alors retour sur une controverse qui dure depuis plus de dix ans.
L’huile de palme durable du classement du WWF
Face à une demande mondiale croissante d’huile de palme, le WWF a décidé d’agir. En effet, la production est passée de 59 millions de tonnes en 2015 à 76 millions de tonnes en 2019. Le WWF prévoit une production entre 264 et 447 millions de tonnes à l’horizon 2050, avec l’augmentation de la demande en agro-carburant. Actuellement l’huile de palme est principalement utilisée dans le domaine agro-alimentaire et celui des cosmétiques.
En 2001, le WWF a travaillé à réunir les producteurs d’huile de palme, les sociétés de l’agro-alimentaire et les distributeurs, des banques et des investisseurs, ainsi que des ONG, autour d’une table ronde. En 2003 a eu lieu la première table ronde à Kuala Lumpur en Indonésie et elle mobilisa 200 participants de 16 pays. En 2011, toujours à l’initiative du WWF, la marque RSPO* est déposée et la première plantation d’huile de palme durable est certifiée au Brésil.
*RSPO pour Roundtable on Sustainable Palm Oil (pour une traduction française : Table ronde pour une huile de palme durable).
Extrait disponible sur le site officiel du WWF : « Afin de permettre une production responsable d’huile de palme, le WWF s’efforce d’agir à tous les niveaux de la filière. Pour transformer les marchés, le WWF soutient la certification RSPO (table ronde sur l’huile de palme durable) et travaille avec les entreprises (distributeurs, industries agro-alimentaires, fabricants d’alimentation du bétail…) qui achètent de l’huile de palme pour les inciter à s’engager en faveur de l’utilisation d’huile de palme respectant un minimum de garanties environnementales et les encourager à soutenir des projets de terrain visant à faire certifier des producteurs d’huile de palme (par exemple les petits producteurs de Bornéo). Le secteur financier doit aussi intégrer comme prérequis à ses financements des garanties environnementales strictes. »
Dans le classement publié en janvier 2020, des entreprises qui font le plus d’efforts pour s’approvisionner en huile de palme durable, le groupe FERRERO est bel et bien le premier du classement.
L’huile de palme certifiée durable (CSPO)
La CSPO (Certified Sustainable Palm Oil) est administrée par 7 entités regroupées sous un statut associatif, avec l’objectif de promouvoir la production et l’utilisation d’une huile de palme répondant à des critères précis de durabilité. Ces critères sont révisés tous les 5 ans. Un producteur d’huile de palme obtient la certification pour cinq années, avec un audit annuel.
La certification repose sur 22 points et prend en compte :
- la transformation des écosystèmes pour la production d’huile de palme (dont la déforestation) ;
- les actions pour protéger et restaurer les habitats forestiers ;
- la traçabilité de l’huile de palme de la plantation jusqu’à son utilisation et marquage dans le produit fini ;
- le soutien aux petits producteurs et exploitation à taille humaine ;
- le respect des droits du travail d’après les standards de l’Organisation Internationale du Travail ;
- …
Est-ce que l’huile de palme peut être durable ?
C’est là tout le débat !
Cette certification permet d’assurer la traçabilité de chaque litre d’huile de palme utilisé. Elle vise également à freiner le développement anarchique des plantations d’huile de palme.
Toutefois, il n’en reste que c’est une démarche volontaire et non obligatoire. Il n’y a pas de sanction prévue. De plus, les détracteurs de cette certification précise que la déforestation n’est pas formellement interdite. Seules les forêts primaires et les forêts à hautes valeur de conservation sont protégées. Globalement cette certification est jugée peu contraignante et manquant d’ambition.
Personnellement, je suis favorable à une telle démarche. J’ai conscience qu’effectivement cette certification, sur la base du volontariat, n’est pas suffisamment exigeante. Mais il n’y a pas de “gendarme international de protection de l’environnement”, il n’y a pas de sanctions internationales. Alors vouloir faire évoluer les pratiques, sur la base d’engagements volontaires est mieux que rien.
En matière d’environnement et, de manière générale, pour tous les sujets qui opposent le profit à la préservation des ressources et la santé humaine, chaque bord défend ardemment ses intérêts. Chaque bord fait du lobbying pour que les règles lui soit favorables.
La solution est-elle de remplacer l’huile de palme par d’autres huiles ?
Pas si simple, comme l’explique le journaliste Hadrien Gonales qui réalise des vidéos de FOOD Checking pour le journal Le Parisien. L’huile de palme a un excellent rendement, comparée aux autres huiles végétales.
Le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) indique qu’un hectare fournit par an 4 tonnes d’huiles de palme, soit 7 à 10 fois plus que ses concurrents directs : le soja, le colza et le tournesol.
Le Cirad est un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial) placé sous la double tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Or, toujours selon le CIRAD, la demande en corps gras, toutes industries confondues augmentent chaque année de 3%. Autrement dit, remplacer l’huile de palme, par des cultures au rendement plus faible impliquerait d’augmenter la surface des terres arables et donc d’intensifier la déforestation.
Depuis 2019, de nombreux journalistes et médias se sont fait l’échos des associations de protection de l’environnement : dans l’industrie alimentaire, il ne faut pas bannir l’huile de palme. En revanche, il ne faut pas développer l’usage d’huile de palme dans les biocarburants.
Retour sur l’huile de palme
D’où vient l’huile de Palme ?
L’huile de palme est extraite des fruits du palmier, lequel est principalement cultivé en Malaisie et Indonésie. Ces deux pays concentrent 85 à 90% de la production mondiale (source : CIRAD). D’après Green Peace, la production d’huile de palme est la première cause de déforestation en Asie du Sud-Est. Or la déforestation met en péril la survie des grands singes, dont les populations sont déjà vulnérables.
Vous avez déjà sûrement entendu les ravages de la déforestation en Indonésie sur les populations d’Orangs-Outan. Un article de décembre 2011, paru en ligne sur le site de L’Obs indiquait à l’époque que « L’huile de palme va, d’ici quelques dizaines d’années, engendrer la disparition de l’orang-outan ». Dix ans plus tard, l’Orang-outan de Bornéo et l’Orang-outan de Sumatra n’ont pas totalement disparu mais ils sont toujours classés « en danger critique d’extinction » (source : iucn.org)
Pourquoi l’huile de palme est mauvaise pour l’environnement ?
Face à la demande croissante des industriels, les exploitations de palmiers se multiplient faisant disparaître l’habit naturel de nombreuses espèces, appauvrissant la biodiversité et détruisant des puits à carbone (réservoirs naturels qui absorbent le CO₂, comme les forêts ou les océans).
Ferrero, et son Nutella, a été l’ennemi public n°1 pour son rôle dans la destruction de l’environnement pour la production d’huile de palme. Bien évidemment, il n’est pas le seul responsable. Il a payé pour tous les autres secteurs, car l’huile de palme se retrouve à peu près de partout (alimentation, cosmétiques et maquillage, biocarburant…)
En 2019, 60 millions de tonnes d’huile de palme pour le Cirad et 76 millions de tonnes pour le WWF ont été produites. 95% de cette production mondiale est destinée au secteur alimentaire (pain de mie, biscuits apéro et biscuits sucrés, céréales, margarines, plats préparés… et bien sûr dans certaines pâtes à tartiner). Puis le second secteur d’utilisation concerne les cosmétiques. L’huile de palme est utilisée dans la formulation de produits de soin. Riche en acides gras, bien tolérée et peu chère, elle est recherchée pour ses vertus nourrissantes et hydratantes de la peau et des cheveux. Enfin le troisième secteur est dédié aux agro-carburants (source : CIRAD)
Autre inconvénient, l’huile de palme possède peu d’intérêt nutritionnel, voire même est défavorable à la santé du consommateur (en cas d’excès).
Pourquoi l’huile de palme est mauvaise pour la santé humaine ?
Toutes les huiles végétales sont des corps gras, très caloriques (900 kcal pour 100g). Néanmoins, certaines huiles végétales contiennent du « bon gras », ce sont des acides gras essentiels insaturés qui servent au bon fonctionnement de l’organisme, comme l’huile dans un moteur de véhicule. Ces acides gras essentiels sont ceux qu’on retrouve dans les fruits à coque (les oléagineux) : noix, noisette, amande… ainsi que dans l’avocat. Essentiels pour l’organisme, on les consomme toutefois avec modération.
L’Anses rappelle le rôle de ces acides gras essentiels : “ils entrent dans la constitution de nos cellules et dans la fabrication de certaines hormones. Notre corps étant incapable de les synthétiser, ils proviennent obligatoirement de notre alimentation”. Les principaux acides gras essentiels sont :
- les acides gras oméga-6 qu’on trouve dans de nombreuses huiles telles que celles de tournesol et de maïs ;
- les acides gras oméga-3 qu’on trouve dans les poissons gras et dans les huiles de lin, de chanvre, de colza, de noix ou de soja.
Par contre les acides gras saturés, eux, sont mauvais pour la santé et sont responsables d’augmenter le risque de maladies cardiovasculaires, en favorisant le dépôt de cholestérol dans les artères.
Or l’huile de palme contient très peu d’acides gras essentiels et beaucoup trop d’acides gras saturés, mauvais pour la santé. En effet l’huile de palme contient 50% d’acide gras saturés et 50% d’acide gras insaturés (10% d’acide gras polyinsaturés et 40% d’acide gras monoinsaturés). En comparaison, l’huile de Colza contient seulement 8% d’acide gras saturés et 90% d’acides gras insaturés (30% d’acide gras polyinsaturés et 60% d’acide gras monoinsaturés).
Huile de palme ou huile de coco, de noix, de noisette, de colza, de tournesol… pour faire sa propre pâte à tartiner ?
Pour le goût et la texture vous êtes le.la seul.e juge. D’un point de vue nutritionnel, il est préférable d’utiliser selon leur teneur en acide gras saturés (dans l’ordre croissant) :
- Huile de colza
- Huile de noisettes
- Huile de noix
- Huile de tournesol
- Huile d’olive
- Huile de palme
- Huile de coco contient encore plus d’acides gras saturés que l’huile de palme.
Source https://ciqual.anses.fr/