OGM – Organisme génétiquement modifié, 3 mots pour que le débat s’enflamme.
Les OGM sont par définition, des organismes (animal ou végétal) dont le génome (l’ADN) a été modifié grâce au génie génétique. Si ce sont des végétaux, comme le maïs, on parle alors de PGM pour Plante Génétiquement Modifiée.
Avant les OGM, la sélection et l’hybridation étaient la panacée. La sélection permet, comme son nom l’indique, de sélectionner des animaux ou végétaux qui présentent des caractéristiques intéressantes, afin qu’ils se reproduisent entre eux et transmettent, à leur descendance, ces caractères d’intérêt. La sélection a permis, par exemple, d’aboutir à des pastèques (presque) sans pépin. L’hybridation consiste à sélectionner des organismes (végétal ou animal), présentant des caractéristiques différentes, qui vont s’exprimer chez la descendance. Par exemple l’INRA a créé par hybridation la tomate Garance, qui a hérité d’une bonne résistance aux maladies et d’une vigueur (bon rendement).
Les plantes issues de l’hybridation peuvent totalement répondre aux exigences de l’agriculture biologique. La plupart, si ce n’est la totalité, des plantes que nous cultivons et animaux que nous élèvons, sont le résultat d’une sélection et/ou d’une hybridation millénaire.
Avec les OGM, les caractéristiques souhaitées sont acquises très rapidement, plus besoin de croisement sur des générations de plantes ou d’animaux. Les caractéristiques envisagées peuvent même être sans limite. Alors que l’hybridation n’aurait jamais pu aboutir à une pomme bleue, le génie génétique pourrait greffer les gènes d’une fleur comme la violette, au génome de la pomme. On aurait alors une pomme bleue.
Alors pour certains, les OGM sont “contre nature”, pour d’autres “une avancée majeure “. Avant de prendre partie, si on faisait le point, 20 ans après les premières expérimentations et les cultures à grande échelle, où en sommes-nous? que sait-on?
Quelques chiffres
données 2015, issues du rapport de l’ISAAA – International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (groupe pro-OGM).
- 2016 marque la 20ème année de commercialisation des OGM dans le monde
- en 20 ans, la superficie mondiale des cultures génétiquement modifiées a augmenté de plus de 1 000 fois, en passant de 1,7 millions d’hectares en 1996 à près de 2 milliards d’hectares en 2015
- près de la moitié de cette superficie est exploitée aux Etats Unis qui comptabilisent au total 937 millions d’hectares
- 28 pays dans le monde cultivent des PGM – des Plantes Génétiquement Modifiées
- top 10 : Etats-Unis, Brésil, Argentine, Inde, Canada, Chine, Paraguay, Afrique du Sud, Pakistan et Uruguay
- en Europe, 5 pays cultivent des PGM: Espagne, Portugal, Roumanie, République Tchèque et Slovaquie, toutes les superficies sont <0,1 million d’hectares (< 100 000 hectares)
- les PGM les plus cultivées sont le soja (1 milliard d’hectares), le maïs (0,6 milliard d’hectares), le coton (0,3 milliard d’hectares) et le colza (0,1 milliard d’hectares).
Le saviez-vous ?
Les pro-OGM nomment ces PGM (plantes génétiquement modifiées) des “Biotech” => un maïs biotech
Les anti-OGM les nomment “transgéniques” => un maïs transgénique
Comment créé-t-on un OGM ?
Deux méthodes existent. La plus utilisée, car elle est aussi la plus efficace, fait appel à une bactérie (tout ce qu’il y a de plus naturelle) nommée Agrobacterium. La deuxième méthode est nommée “Gene Gun”.
1. Transformation via Agrobacterium
Agrobacterium est une bactérie s’attaquant aux plantes. Elle infecte le végétal lorsqu’il présente une blessure pour récupérer ses nutriments. Elle agit comme un parasite. En se développant dans la plante, Agrobacterium va induire une tumeur, nommée galle du Collet.
Cette fonction de “parasite” va être utilisée en génie génétique. Agrobacterium, dont les gènes induisant la tumeur ont été supprimés, va transporter le gène d’intérêt dans la future PGM. Le gène d’intérêt est appelé transgène. Si on reprend l’exemple de la pomme bleue, Agrobacterium va transporter et implanter le gène de la violette (codant pour la couleur bleue) au génome de la pomme.
2. Transformation par la méthode “Gene Gun”
Cette méthode est utilisée pour les plantes insensibles à une infection par Agrobacterium. Un canon à particules, va bombarder la plante de microbilles enrobées d’ADN, avec les caractères d’intérêt (la couleur bleue), qui sont supposés s’intégrer dans le génome de la future PGM (soit la pomme).
Néanmoins avec cette méthode, le taux d’échec est important. Les plantes ont tendance à être déchiquetées, c’est pourquoi elle n’est utilisée qu’en deuxième option.
Quel est l’objectif d’un OGM ?
Au delà de la prétention de résoudre la faim dans le monde, pour laquelle les camps pro et anti-OGM se livrent une féroce bataille, de manière pragmatique dans le cadre d’une agriculture intensive, les OGM sont censés être résistants aux herbicides utilisés pour éliminer les adventices et être résistants aux ravageurs. L’objectif est d’augmenter les rendements.
Concrètement dans un champ de maïs, des herbes et d’autres plantes vont également pousser dans les rangées. Elles risquent d’entrer en compétition avec les pieds de maïs (“vol” d’eau et de nutriments). L’usage d’herbicides permet d’éliminer ces adventices, mais ils touchent également quelques plants de maïs. En effet les herbicides ne sont pas spécifiques, ils ont un large spectre d’action, c’est pourquoi il faut que le “maïs biotech” ou “maïs transgénique” soit tolérant ou résistant à l’herbicide utilisé, afin d’éviter la mort de plants de maïs et améliorer le rendement.
Deuxième phase, l’invasion de ravageurs. Des insectes comme la pyrale, peuvent détruire des cultures de maïs, encore une fois pour les protéger, sa version “biotech” ou “transgénique” va produire elle-même un insecticide se rendant impropre à la consommation de l’insecte ravageur.
Quels sont les arguments des pros- et des anti-OGM?
Malheureusement, ils ont peu évolué. Cela démontre bien le statut-quo existant. Comme si, un entre deux était impossible, comme si l’impartialité, l’objectivité ne pouvait exister pour cette question.
les pros-OGM:
- utilisation de moins d’herbicides et insecticides => préservation in fine de l’environnement.
Contredit par les anti-OGM, face à la généralisation des monocultures (voir ci-après)
- amélioration des rendements avec peu de ressources (sur des sols peu fertiles et/ou avec très peu d’eau) => possibilité de nourrir les futurs 9 milliards d’êtres humains.
Contre-argument des anti-OGM, la quantité versus la qualité (sous-entendu, les OGM seraient “toxiques”)
- remédiation des carences des populations des pays en voie de développement (Ex : le Golden Rice)
Le Golden Rice ou riz doré, est un riz biotech ou riz transgénique, enrichi en beta carotène (= provitamine A). Ce riz visait à lutter contre les carences en vitamine A, qui provoquent une cécité et touchent particulièrement les jeunes enfants. Il était destiné aux pays du tiers monde où le riz est l’aliment majeur.
les anti-OGM:
- en réponse au Golden Rice
Les anti-OGM précisent que les concentrations en beta carotène (= provitamine A), n’étaient pas suffisantes pour lutter efficacement contre les cas de cécité: “Il faudrait ingérer 5 kg de riz doré par jour pour atteindre les recommandations”.
- le cas des monocultures
Elles provoquent une perte de biodiversité et favorisent l’émergence de ravageurs résistants. C’est la théorie de la reine rouge, en référence au livre d’Alice au Pays des Merveilles (L. Carroll), aboutissant à une pollution encore plus massive de notre environnement.
En effet une monoculture étendue sur plusieurs centaines d’hectares, va favoriser l’émergence de ravageurs très spécifiques. Ces insectes ravageurs, parfaitement adaptés à la monoculture (comme la pyrale du maïs), n’auront alors pas de prédateurs issus de la biodiversité alentour, pour les réguler. Du coup ces insectes auront le champ libre. Pour éviter leur prolifération, un ou plusieurs insecticides sera utilisé. Or lorsque l’environnement devient hyper sélectif et que l’insecte n’a que deux options : mourir ou s’adapter, les mutations de gènes de résistance apparaissent beaucoup plus vite. Ainsi les ravageurs vont devenir résistants à l’insecticide utilisé. Face à cette résistance, soit les doses et les phases de traitement vont augmenter, soit de nouveaux insecticides vont être utilisés, jusqu’à ce que les ravageurs mutent et s’adaptent à nouveau, à l’image d’Alice qui court contre la reine rouge tout en faisant du sur-place. La biodiversité a un rôle tampon.
- la contamination de cultures conventionnelles ou biologiques par des champs voisins cultivant des PGM.
Les pro-OGM citent systématiquement l’exemple du maïs, peu volatil, pour dire que le risque est faible. Les anti-OGM, eux, citent le colza, dont le pollen, très volatil, peut parcourir des dizaines de km et donc se mélanger à un champ de colza conventionnel ou biologique.
Les recherches indiquent que le risque est à mesurer au cas par cas, espèce par espèce, en tenant compte de : 1) la dispersion incontrôlée des PGM (la volatilité du pollen); 2) une dispersion qui aboutirait à une contamination des cultures conventionnelles ou bio (un pollen de colza transgénique ou biotech ne va pas forcément atterrir dans un autre champ de colza); et 3) après la contamination, la possible reproduction entre la PGM et sa version conventionnelle ou issue de l’agriculture biologique.
Concernant la reproduction entre PGM et ses variantes non génétiquement modifiées, si les espèces sont génétiquement proches, comme une souche de colza biotech ou transgénique et une conventionnelle, c’est possible. Pour les croisements inter-espèces, le risque semble plus limité, car il faut que les floraisons soient simultanées, qu’une fécondation croisée ait effectivement lieu, que ce croisement soit viable, que la graine germe et qu’il y ait un avantage sélectif pour la plante à ce que le transgène s’exprime. Soit 5 paramètres à remplir. D’ailleurs d’après l’Association Française des Biotechnologies Végétales (pro-OGM), le risque concernant le maïs est quasi nul, car “le maïs ne se croise avec aucune autre plante présente en France et sur le territoire européen”
- l’inconnu
Est-ce que le transgène est stable? Autrement dit, dans l’exemple de la pomme bleue, est-ce que le gène, codant pour la couleur bleue, de la violette est stable? Quel(s) serai(en)t le(s) potentiel(s) effet(s) en cas d’instabilité?
Est-ce que des allergies croisées sont possibles? Par exemple, si on incorpore des gènes de soja à une pomme, pour avoir une pomme protéinée, est-ce que les personnes allergiques au soja seront également allergiques à cette pomme protéinée (exemple fictif)
Est-ce que l’ingestion d’une plante tolérante aux herbicides peut avoir des effets délétères sur la santé?
…
Que peut-on conclure?
D’abord l’appréhension des risques est à la fois personnelle et culturelle.
- Personnelle
L’exemple le plus frappant : on sait tous que la fumée de tabac tue, néanmoins la pratique perdure, “il faut bien mourir de quelque chose”, “chacun son plaisir”…
- Culturelle
En France le principe de précaution prévaut lorsqu’une nouvelle technologie s’apprête à être mise sur le marché. Tant que son innocuité ne sera pas démontrée (il faut prouver qu’elle est sans danger pour la population), elle pourra être interdite. C’est d’ailleurs le cas avec les OGM. A contrario aux Etats-Unis, il faut prouver que la nouvelle technologie présente un risque pour la population pour qu’elle soit interdite. Comme pour le moment, la consommation d’OGM aux Etats-Unis, n’a pas formellement démontré d’impact sur la santé des consommateurs, ils continuent donc de les cultiver.
Comme il est beaucoup plus difficile de prouver le “sans danger”, le “zéro risque”, le modèle français est beaucoup plus contraignant face aux nouvelles technologies.
Ensuite la recherche scientifique patine depuis 20 ans et c’est de loin le plus inquiétant. Surtout que depuis 20 ans de commercialisation et d’utilisation, les risques chroniques (exposition sur le long terme), s’il y en a, auraient dû pouvoir émerger et être identifiés. Mais les enjeux sont si conséquents, que même au sein de la communauté scientifique, on dépasse le factuel et on se retrouve dans un débat idéologique. Pro- ou anti-OGM, les deux camps sont farouchement décidés à ne citer que les faits qui serviront leur cause, et au final le consommateur face à son maïs biotech ou maïs transgénique, il ne sait que faire!
Enfin cet article sur les OGM a été placé dans la rubrique “Santé Environnement” et non dans la rubrique “Pollutions environnementales”, car comme toute technologie, elle n’est ni bonne ni mauvaise, c’est ce que l’on en fait.